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1.3 Les Mégalithes

Avec le Néolithique, tandis que les humains impriment de manière beaucoup plus ostensible leur marque sur le paysage grâce à l’agriculture, apparaissent les monuments mégalithiques. Ces derniers imposent un peu plus encore cette marque sur l’espace terrestre. Les mégalithes semblent bien constituer d’abord un développement de ces cairns poser le long des itinéraires puis des pâturages pour se repérer. Il est remarquable, du reste, qu’aujourd’hui encore, dans bien des cultures, le cairn bénéficie d’une aura sacrale (ou tabou) — et ce pour des raisons évidentes liées à son utilité.

Jusqu’à la fin de l’Âge du bronze inclusivement (vers l’an mil), se déploient partout en Europe et en Afrique du nord ces énormes pierres dressées et assemblées, et même parfois sculptées en bas-relief. Ils devaient occuper diverses fonctions liées aux sociétés néolithiques. Nous ne savons que peu de choses de leur usage, mais sous divers noms, on trouve presque sur tous les continents peuplés d’humains des pierres dressées analogues : en Amérique latine, en Afrique de l’est (en particulier en Éthiopie), en Asie et jusqu’en Indonésie (l’île de Nias) et en Polynésie. Dans ces deux contrées, la tradition des mégalithes était restée vivante jusqu’il y a peu : elle était liée en particulier au culte des ancêtres divinisés et au rituels funéraires des personnages importants.

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Les Menhirs

Apparues tout au début du Néolithique, probablement dès le septième millénaire, des pierres dressées et isolées, souvent sculptées, couvrent l’Europe jusqu’à l’Âge du bronze. Si leur fonction précise nous échappe, on peut imaginer que certaines de ces pierres évoquent la puissance d’ancêtres importants divinisés qui personnifient une force virile, à l’image du Tiki polynésien dont la symbolique est même antérieure à l’agriculture proprement dite. C’est ce dont donne l’exemple l’alignement assez tardif (Âge du bronze) des statues-menhirs néolithiques de Filitosa en Corse. De face ce sont des guerriers et de dos des phallus. 

Les statues familières du dieu latin Priape en sont de lointaines descendantes, tout comme peut-être le géant sylvestre de Cerne Abbas, ou encore certaines descriptions du dieu gaëlique Dagda, voire le blason de l’ours bernois « vilené de gueule ». Et Priape, figure protectrice des campagnes romaines, est sans aucune ambiguïté un symbole de fécondité masculine. Cependant ce lien avec une symbolique phallique est loin d’être absolue puisque nombre de pierres dressées ont été sculptées avec des attributs féminins. 

Les statues-menhirs néolithiques du Rouergue, sont sexuées, certes, mais alternent des guerriers mâles et des femmes dotés d’attributs caractéristiques. Par ailleurs, l’archéologie nous permet d’affirmer que ces statues peuplaient alors des forêts profondes, mais leur rôle précis nous est inconnu.

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LA “DAME DE SAINT-SERNIN”

Les Dolmens

1.3.2 Les Dolmens

Également depuis le Néolithique, on rencontre un peu partout des constructions de type dolmen, avec table, orthostases et chambre intérieure (la cella), mais primitivement recouvertes d’un monticule de terre (le tumulus) ou de pierres (cairn). Ces dolmens sont liés aux rites funéraires. Il semble que les premiers aient été très simple avec une seule chambre.

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​On en rencontre cependant de plus élaborés avec un couloir accédant à la chambre, ou à de multiples chambres. Ces dernières sont parfois transeptées, c’est-à-dire disposée de part et d’autre du couloir, comme le Dolmen du Riholo à l’embouchure de la Loire. Les plus imposant étaient dotés en outre d’une chambre très allongée. Les premiers de ces édifices étaient creusés dans la terre mais dépourvus de pierre. Dès l’origine, ils se présentent comme des nécropoles. On peut supposer cependant que d’autres fonctions sont venues se greffer sur celle d’accueillir les rites funéraires tandis que la figure de certains ancêtres se voyaient exaltées.

Il n’est pas difficile non plu d’imaginer que ces constructions se soient développées dans des cultures ayant recours pour se loger à ces « Behive huts » (avec encorbellement de pierre sèches assemblées sans mortier) dont nous trouvons des exemples archéologiques dès le deuxième millénaire en Irlande et en Écosse et que l’on continuera de construire et utiliser en Europe jusqu’au XIXe siècle. 

 

Du reste, la forme la plus achevée de ces dolmens, dotée justement d’une voute de pierre « en nid d’abeilles », se rencontre en Grèce à la fin de l’Âge du bronze. Ces dolmens très élaborés remontent déjà à la culture minoenne ancienne mais couvriront la péninsule à l’époque mycénienne. À côté de tombeaux taillés directement dans la pierre, plutôt caractéristiques de la culture mycénienne ancienne, nous retrouverons sous un tumulus de terre cette structure avec encorbellement de pierres (mais maçonnées) dans les tombeaux aristocratiques de l’est de la Méditerranée du début du deuxième millénaire :  le tholos avec son passage d’entrée monumentale (le dromos) et son porche (stomion) — tel le Trésor des Atrées (ou Tombeau d’Agamemnon) mycénien.

1.3.3 Les Cromlechs

Les cromlechts

Vers 4000 à la charnière du néolithique et de l’Âge du bronze, se multiplient des alignements mégalithiques purement linéaires ou circulaires, de plein air, du type cromlech, dont les plus célèbres sont ceux de Carnac et de Stonehenge. Ainsi que certaines grandes pierres dressées, les ensembles les plus monumentaux étaient liés au culte du soleil, ce qui est logique dans une culture agricole. Il est d’ailleurs visible que certains de ces monuments étaient des instruments de mesure solaire liées à aux solstices. Tandis que l’agriculture se développe, la place du soleil dans la perception que les peuples ont de leur cosmos s’accentue au détriment ou, au moins, en plus de celle de la lune qui naguère occupait la première place. 

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Dans le cadre de plus en plus hiérarchique des sociétés agricoles, le culte solaire se construit en parallèle avec la révérence sacrée qui s’installe autour des chefs. De même, alors que la centralité cosmique de la lune honore la féminité, le nouveau culte solaire se manifeste comme une exaltation de la virilité qui reflète la nouvelle structuration de la société. Toutefois, dans les contrées septentrionales, le rythme saisonnier conduit par le soleil — notamment la saison froide la plus cruciale — a une importance qui préexiste à l’évolution sociale hiérarchique du monde agricole.

Il est difficile de reconstruire la fonction de ces édifices car les cultures qui les utilisaient ont entièrement disparu. Concernant leurs cérémonies nous ne pouvons guère qu’en imaginer certains rares éléments, tel le calcul des solstices. Il est vraisemblable que les cultes qu’ils rendaient à leurs dieux se déroulaient à l’extérieur comme ce sera encore le cas à l’Âge du fer pour les peuples germaniques ou celtiques. Cependant, on peut deviner un héritage de ces anciennes cultures pré-indoeuropéennes dans les cultures ultérieures. On remarquera ainsi que même les cathédrales romanes et gothiques, à la suite des domaines sacrés celtes, puis des temples gallo-romains, conserveront souvent encore des éléments de la symbolique solaire des mégalithes.

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