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La catéchèse sur la Divine liturgie de Maxime le Confesseur (sa Mystagogie) systématisa au VIIe siècle cette vision allégorique de la basilique et de l’eucharistie que l’on y célèbre, vision qui justement était alors incarnée dans la pierre à Sainte-Sophie. Cette dernière firgue un microcosme symbolisant la rencontre de la sphère divine, au dessus du cosmos angélique, avec le monde inférieur des hommes réunis autour de l’empereur. Dans la basilique le sanctuaire céleste descend sur la terre, et les chrétiens concélèbrent avec les anges dans la liturgie céleste. 

Dôme de Sainte Sophie Constantinople VIe siècle

C’est la doctrine que reflète l’hymne de la procession des saints dons du Cheroubicon introduit dans la liturgie constantinopolitaine vers 575 par l’empereur Justinien : « Nous tous qui représentons mystiquement les chérubins, chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité. Déposons maintenant tout soucis de ce monde, pour recevoir le Roi du ciel et de la terre, invisiblement escorté des légions angéliques... »

La manière dont la liturgie est célébrée reflète donc elle aussi cette évolution dramaturgique. Depuis l’époque de Constantin, les grandes assemblées rituelles (les synaxes) sont précédées de processions qui parcourent la ville avant de se rendre dans la basilique où se déroule la solennité (ce qu’on appelle alors une statio en latin). Dans quelques grandes cités (en premier lieu Antioche, Jérusalem, Rome et Constantinople), l’évêque et les fidèles alternent les lieux de célébrations selon les fêtes. La procession s’ébranle parfois même d’un sanctuaire pour s’achever dans un autre. On chante des psaumes antiphonés, des intercessions litaniques (avec des Kyrie eleison comme pour l’empereur) et des acclamations, notamment le Trisagion long (« Saint Dieu, saint fort, saint immortel, aie pitié de nous »).

Matthieu Smyth cours universitaire - ID_85104149_©_Vvoevale

Mausolée de Galla Placidia Ravenne Ve siècle

A partir du Ve siècle, la liturgie eucharistique elle-même est de plus en plus entrecoupée de processions cléricales spectaculaires qui frappent l’imagination des fidèles : au début de la liturgie lorsque l’évêque, suivi du clergé puis des fidèles, entrent dans l’édifice (en Occident c’est l’inverse : le peuple attend à la basilique que le clergé y pénètre, l’évêque fermant la marche) ; lorsque l’évangéliaire est apporté par les diacres à l’ambon… La procession la plus importante se déroule juste avant la grande prière eucharistique : les diacres apportent le calice et le pain sur l’autel depuis la sacristie dans un profond silence recueilli (mais bientôt la coutume s’imposera que la voix des chantres entonnent alors une hymne particulièrement solennelle, tel le Cheroubicon byzantin ou le « Que fasse silence toute chair mortel » hiérosolymite).

Le symbolisme de ces processions est bien toujours celui de l’adventus, « l’entrée » de l’empereur et de sa suite dans une ville. Mais à la place de l’empereur se tient désormais le Christ figuré par l’évêque, l’évangéliaire ou les offrandes liturgiques.

Sainte-Sophie et Maxime le Confesseur s’inscrivent donc dans le sillage d’une explication allégorisante de la liturgie plutôt « alexandrine ». Celle-ci interprète en effet l’évolution dramaturgique de la liturgie, ainsi que la symbolique des processions triomphales dont cette évolution s’accompagne, dans la lignée du néo-platonisme chrétien de la Hiérarchie ecclésiastique du Pseudo-Denys l’Aréopagite (Syrie, Ve siècle), d’Origène et de Clément d’Alexandrie (et originellement du néo-platonisme juif de Philon d’Alexandrie).

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