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les basiliques justiennes à cupooe

2.4.1. Les basiliques justiniennes à coupole

 

C’est sous le règne de Justinien (527-565), qui parvint à réunir pour un temps une grande partie du défunt Empire d’Occident à celui de l’Orient, que l’art byzantin classique atteint son apogée, en particulier, lorsqu’il fera reconstruire l’actuelle Sainte-Sophie.

Des architectes audacieux vont alors combiner le plan axial de la basilique avec celui, central, du martyrium. La basilique justinienne à coupole est une nouveauté révolutionnaire. Les églises seront désormais entièrement voûtées et donc plus massives. 

Il faut reconnaître ici l’influence de la basilique syrienne qui depuis la fin du Ve siècle tend de plus en plus à être entièrement voûtée, mais avec une voûte en berceau voûte en berceau plein-cintre à la romaine (que l’on va retrouver en Occident en Hispanie dans le Royaume wisigothique). 

La nef des basiliques justiniennes est en effet surmontée d’une voûte en forme de coupole reposant, par l’intermédiaire de trompes (sur un plan carré ou octogonal), sur des murs, comme dans les nouvelles églises de la capitale : la Sainte-Sophie justinienne (fig. 8), Saints-Serge-et-Bacchus (fig. 9 et 10), ou Sainte-Irène ; ou encore comme Saint-Vital à Ravenne. Du reste, à l’exception des mosquées, ce plan ne sera pas suivi par la suite dans son intégralité, lorsque l’on adoptera dans les églises de tradition constantinopolitaine et en Arménie des nefs dotées de petites coupoles.

Par ailleurs, le narthex (désormais lui aussi voûté) subsiste, ainsi que l’abside du sanctuaire. Ce dernier est flanqué de deux absidioles à l’usage du clergé, lespastophoria(ou diakonikon), qui vont un jour supplanter le skeuophilakion(la sacristie extérieure). 

Ce modèle va totalement évincer celui de la basilique chrétienne axiale dans toutes les Eglises en communion avec le patriarcat de Constantinople.

La coupole de Sainte-Sophie accueillait dans sa décoration originale une grande croix nue. Mais celle-ci fera place, comme dans toutes les églises byzantines, au grand Christ pantocrator représenté normalement à mi-corps, et qui souvent trônait naguère dans l’abside. 

La coupole ne reposant pas sur des colonnades, les murs latéraux offrent de nouveaux espaces facilement accessibles à l’œil. Ils offrent donc davantage de latitude à la créativité iconographique — et ce d’autant plus qu’à partir du IXesiècle la taille des édifices se réduira, ce qui facilite la mise en place d’un programme iconographique unifié. 

Toutefois, le but des architectes de Justinien était surtout de produire une représentation architecturale de l’ordre cosmique terrestre et angélique à la jonction de ces deux univers. A Sainte-Sophie, la basilique est le lieu de la christophanie où les cieux s’ouvrent pour manifester la venue du Roi de Gloire accueilli par le Basileus terrestre, symbole du cosmos terreste. Ainsi que le suggèrent les prodigieux jeux de lumière de Sainte-Sophie et son dôme doré, qui ne s’ornait primitivement — rappelons-le — que d’une très sobre croix, la basilique c’est le ciel sur la terre, et le rituel que l’on y célèbre est le reflet de la liturgie céleste éternelle.

Les explications allégoriques de la liturgie, les « mystagogies », alors en faveur à Constantinople, encourageaient le maintien d’une iconographie basilicale sobre, plutôt décorative que narrative, et le développement d’une architecture monumentale, hardie, favorisant les jeux de lumières. 

Liturgie Céleste
Les eglises syriennes voutées

2.4.2. Les églises syriennes voûtées

 

Les églises bâties en Syrie, à partir de la fin du Ve siècle sont de plus en plus volontiers massives, avec souvent une nef recouverte d’une simple voûte en berceau plein-cintre à la romaine, dépourvue de bas côtés. Dans le sillage de la mystagogie syrienne, l’unicité visuelle est ainsi facilitée, ce qui autorise la mise en place d’un riche programme décoratif et figuratif à l’opposé de la sobre iconographie symboliste constantinopolitaine primitive. C’est cette infliuence syrienne que nous allons retrouver en Occident à la même époque en Hispanie dans les églises du Royaume wisigothique, puis, traversant les Pyrénées, dans tout l’Occident, à travers l’Art roman.

La basilique en Syrie devient, dès la fin du IVe siècle, un édifice où la séparation du clergé et des fidèles s’accentue fortement. Pendant, la liturgie eucharistique, le sanctuaire est protégé du regard des laïcs par une courtine fermée. Quant à l’anaphore (la prière eucharistique), elle sera peu à peu récitée à voix basse.

Par ailleurs, au cours des Veet VIesiècles, en Orient, l’Eglise impériale va se diviser entre diverses confessions qui s’affrontent sur la nature du Christ (« nestoriens », « monophysites » anti-calcédoniens, impériaux « melkites » calcédoniens) se réclamant chacune de l’orthodoxie. C’est ainsi que naissent les Eglises orientales séparées : syrienne orientale (« nestorienne »), copte d’Egypte, éthiopienne, syrienne jacobite (de langue syriaque) et arménienne. A l’exception de cette dernière qui adopte le planc central byzantin (en concervant par la suite une forme plus archaïque que celui de la Constantinople médiévale), ces églises vont conserver une architecture basilicale à plan axial.

mystagogie syrienne
2.4.3. Les églises en croix-grecque post-iconoclastes

2.4.3. Les églises en croix-grecque post-iconoclastes

 

Après la crise iconoclaste, au IXe siècles, les édifices, dans le sillage des églises monastiques, deviennent plus compactes et propices au développement sur leurs murs d’une riche iconographie narrative : le narthex et la coupole s’atrophient, tandis que les absidoles et les bas côtés s’étoffent, pour permettre l’édification d’une nef presque carrée et exigüe, en croix grecque à branches courtes. 

Tout en conservant la structure générale de la basilique justinienne à coupole, les églises semblent se replier sur elles-mêmes et s’uniformiser, sur le modèle de bâtiments tels que celui du monastère d’Hosios-Lukasen Phocide (XIesiècle). 

Cependant, sur le Mont Athos, on complète le plan en croix grecque en ajoutant deux absides aux bras nord et sud de la croix, selon un plan triconque. C’est cette structure architecturale athonite qui va devenir normative dans les Eglises de tradition byzantine.

Le plan des églises fournit désormais le support d’un programme iconographique complexe qui, dès le VIIe siècle, tendera à adopter une forme de canonicité d’un bâtiment à l’autre. L’image envahit entièrement les églises byzantines. 

Il ne s’agit plus de figurer tellement le ciel sur la terre (même si cette perspective n’est pas abandonnée), mais d’offrir un écrin à la dramaturgie liturgique qui met en scène la mission rédemptrice du Christ, en accord avec les commentaires liturgiques symbolistes et narratifs, d’origine syrienne, popularisés à Constantinople par le patriarche Germain († 733) dans son propre commentaire de la liturgie eucharistique.

programme iconographique complexe
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Photos: Monastère au Monastère d'Osios Loukas, Grèce

2.5 Conclusion

 

L’évolution de l’architecture médiévale orientale reflète ainsi la mainmise monastique qui s’exerce de plus en plus au sein du patriarcat de Constantinople depuis la victoire du parti iconodule — le parti des moines et du peuple — en 843. Le rituel liturgique est plus austère. On va retrouver des phénomènes analogues dans presque toutes les églises d’Orient, chalcédoniennes ou non.

Les voûtes des églises en croix grecs n’abritent plus de processions triomphales mais les interminables mélopées dont Jean Coucouzèle est le compositeur le plus connu (XIIe-XIIIe siècles). C’est un chant de plus en plus élaboré, orné et recueilli, propice de ce fait à la méditation. De même, l’hésychasme, la théologie et les pratiques mystiques incarnées par les moines du Mont Athos, a pris le pas sur les fastes impériaux.

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